Le Centre existe !

Réponse à Malaberg, et à son article sur le Centre. J’avais prévu simplement de commenter son article, mais je me suis dit que la question méritait une réponse complète.

« Quand on parle d’un centriste, en France, de qui s’agit-il ? Si le centriste en question est inscrit au PS, alors on parle plutôt de « centre gauche » d’ailleurs, il s’agit de quelqu’un inscrit au PS mais qui trouve que la tiède politique proposée par ce parti est encore trop gauchisante pour lui, et qu’il conviendrait de s’aligner sur les propositions de la droite. »

Ce n’est pas parce que la nuance centriste est fondue dans un parti plus gros qu’elle n’existe pas ! Pour moi, la rupture est sensible à gauche comme à droite. Je m’explique. A droite, depuis 1962 surtout, il y a une rupture entre la droite gaulliste (ex-RPR), et la droite non-gaulliste, démocrate-chrétienne, europhile et libérale (ex-MRP/UDF). D’ailleurs, si l’UMP regroupe les deux, on ne peut pas dire pour autant qu’il n’y ait pas de fondamentales divergences entre un Dupont Aignant (à l’époque à l’UMP) et Novelli ou d’autres centristes de l’UMP. A gauche, la fracture est certes plus récente, mais encore plus nette. Les « Nonistes » de 2005 sont l’aile gauche du PS, tandis que les partisans du « oui » sont les centristes du PS. Sans compter que la Social Démocratie est un courant très fort, au niveau européen, qui ne ressemble pas au socialisme traditionnel (quoi qu’on en pense par ailleurs). Je rajouterais qu’il existe une très vieille rupture entre les Libéraux de gauche (oui, le Libéralisme est à l’origine de gauche) et les Socialistes, c’est-à-dire ceux qui ont suivi Marx, en gros.

« Si le centriste en question est inscrit à l’UMP, alors on le distingue des autres UMP »

… parce qu’il soutient des thèses libérales et est partisan d’une Europe politique, voire fédérale. =)

« Si le centriste est inscrit dans l’un des soit disant partis de « centre droit », comme le nouveau centre, son rôle principal est de permettre au gouvernement UMP de dire « regardez, il n’y a pas qu’un seul parti dans la majorité ». Cela permet de donner une illusion de pluralité. Sinon, il agit exactement comme le centriste de l’UMP : Une protestation pour la forme parfois pour rappeler qu’on existe, assortie d’une fidélité à toute épreuve ou presque. »

Si tu consultes les programmes respectifs de ces partis, c’est-à-dire l’UMP et le NC, tu trouveras de toi-même les différences et nuances qui existent. Ce qui n’empêche aucunement de s’allier en valorisant ce qui peut rapprocher ces partis…

« Rappelons qu’on appelait jadis « centre », l’UDF. UDF qui comptait dans ses rangs des gens comme Madelin, de Villiers, et autre sympathisants de l’alliance avec le FN, gens que l’on met de nos jours dans la catégorie « limite extrême droite ». »

Je trouve cet argument-ci très bancal, honnêtement. Ce n’est pas parce qu’il y a des brebis galeuses dans un parti que tout le parti est à leur image ! C’est pas parce que Frêche était au PS que le PS est un parti forcément populiste… D’ailleurs, aux dernières nouvelles, Madelin soutient Alternative Libérale. Pas vraiment extrême droite, donc.

« Et ce n’est pas fini : il existe aussi le drôle de centriste : celui inscrit au Modem. Comme sa ligne politique varie selon les élections, les lieux, et les autres candidats, il va falloir s’intéresser à ce qu’il propose. Et là, patatras, en regardant le programme, on voit la même chose que dans un programme de droite, le racisme en moins »

Je pourrais t’expliquer que l’UMP n’est pas raciste, mais ce serait une cause désespérée… Je pourrais aussi te dire que certains, à droite, disent précisément le contraire, c’est-à-dire qu’il aurait un programme de gauche. Donc tout est relatif.

« Bref, nous avons donc d’une bonne partie du PS à l’UMP, un grand consensus sur les mesures économiques et sociales qu’il convient de prendre. Le problème, c’est que dans ce grand sac là, on trouve le PS qui est théoriquement de « gauche », l’UMP, qui est quand même bien « à droite », et tous ceux se revendiquant du « centre » (qu’il doit droit ou gauche). Dans le même sac ! Celui des libéraux. »

Tout le monde sait que c’est plus nuancé que ça. Se rejoindre sur certaines thèses n’empêche pas de profondes divergences. Excuse-moi, mais je ne me retrouve pas dans le projet socialiste, par exemple (si tant est qu’il y en ait un). Et si l’aile droite du PS soutenait la politique de l’UMP, ça se saurait. Après, ces partis se suivent, côte à côte, sur l’échiquier politique. C’est normal qu’il y ait une sorte de dégradé progressif. Je te renvoie à ce fabuleux graphique à ce sujet.

« le centre a le même programme que la droite. »

Alors explique-moi pourquoi certains persistent à voter centriste… On ne peut pas nier une réalité électorale.

« Ceux qui se revendiquent « centristes déçus de Sarkozy » prônent peu ou prou la même chose, mais d’une manière différente. (Comme dans l’enquête Corse) le racisme en moins peut être ? »

Pour le racisme, je crois que c’est devenu un leitmotiv. ^^ Sinon, que penser des centristes satisfaits par Sarkozy, dont je fais partie ?

« Gianfranco Fini, qui pourtant était quelqu’un décrit jusqu’à il y a peu comme était plus à droite que Berlusconi, limite extrême droite comme la lega nord, s’est mué dans la bouche des commentateurs en un vertueux centriste le jour où, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec un quelconque désaccord de fond, il s’est opposé à notre cher Silvio. »

Pour avoir moi-même des origines italiennes, je t’assure qu’il y a de vraies divergences de fond. Qu’il vienne de l’extrême droite est un fait. Mais il n’est pas le seul. C’est dommage, mais on ne va pas interdire aux gens d’évoluer intellectuellement. Aujourd’hui, il est Atlantiste, Libéral, Capitaliste, et pro-Européen. Ne serait-ce que sur l’immigration, il est favorable à un assouplissement des conditions d’accès à la nationalité italienne.

« Ce cher Schröder du SPD, parti social démocrate allemand pour ceux qui ne connaîtraient pas, a fait campagne et a été élu en 1998 en se revendiquant du « nouveau centre » (sisi, je ne plaisante pas !), et en effet, nous n’avons pas été déçus : destruction du système social allemand comme on n’en avait jamais vu auparavant, alors que le pays était dirigé par la droite depuis 1982… Le centre pire que la droite ! On aura vraiment tout vu. »

N’oublions pas qu’il a posé les bases de la réussite allemande d’aujourd’hui. Il a pris une Allemagne qui portait encore les séquelles de la réunification. Par une certaine rigueur qu’il a insufflé, il a fait du pays un modèle en Europe, dont la réussite ne peut pas être contestée aujourd’hui (demain peut-être).

« Je peux employer ce terme, mais le centre à proprement parler n’existe pas, en tout cas pas sur le plan idéologique. Ou alors, j’attends qu’on me le décrive. Avec des CLIVAGES vis-à-vis d’autres points de vue, puisque ce sont en général les CLIVAGES qui font qu’on peut faire la différences entre deux points de vue qui se revendiquent différents. »

Le Centre diverge de la droite en étant europhile, libéral, souvent non-gaulliste, plus social aussi, et moins conservateur sur les questions de société. Le Centre diverge de la gauche en étant libéral, pragmatique (je sais, ce mot pique), et en soutenant une certaine rigueur budgétaire. Oh, et puis voilà. :p

Je suis conscient que mes arguments ne sont pas forcément des plus pertinents, puisque j’ai construit mon argumentaire en négatif sur celui de Malaberg. Mais je renvoie la balle à Vallenain, Hashtable, le Chafouin, Xerbias, et surtout, aux Centristes revendiqués, l’Hérétique, Balle au Centre, Isabelle Resplendino, et Bob, qui sauraient mieux que moi expliquer ce qui fait la spécificité centriste. ;-)

À propos Alexandre
Carabin passionné de politique, dextro-centriste et méchant libéral. Rule Britannia ! J'ai rarement tort mais ça m'arrive souvent.

12 Responses to Le Centre existe !

  1. Taguée ! Je vais faire court, car j’ai beaucoup à faire en ce moment. à plus !
    Bonnes fêtes !

  2. xerbias says:

    J’ai répondu à la question dans une longue péroraison.

  3. Ajoutons qu on voit bien que les centristes existent, notamment quand ils ne votent pas, comme ce fut le cas lors des dernieres Régionales.

  4. Novelli n’est pas un centriste de l’UMP. Il se plaint d’ailleurs de leur poids qu’il juge excessif dans le dernier numéro de Valeurs Actuelles.

  5. FrédéricLN says:

    Bravo pour ce billet – qui me fait découvrir la possibilité de se sentir à la fois au centre et satisfait de la présidence Sarkozy ! Comme quoi la maison du Centre est plus vaste qu’on ne le croit parfois.

    Sur « A droite, depuis 1962 surtout, il y a une rupture entre la droite gaulliste (ex-RPR), et la droite non-gaulliste, démocrate-chrétienne, europhile et libérale (ex-MRP/UDF) », petite remarque sur 1965 : la déclaration du candidat du centre, Jean Lecanuet, entre les deux tours (« Je ne voterai pas pour le général de Gaulle et je demande à mes électeurs de ne pas voter pour lui. ») ; sans cependant citer explicitement François Mitterrand.

  6. Ping: La question du centre | Pensées d'outre-politique

  7. Ping: Le centre, en politique | 100 000 V

  8. par ailleurs sur le pragmatisme tu m’excuseras mais je ne vois pas en quoi il serait absent au PS, parti qui a la gestion quotidienne de la plupart des collectivités en France. Ca c’est avoir les mains dans le charbon quotidien.

  9. Ping: Hashtable » Le centre flou

Laisser un commentaire